🇫🇷 @Paris #2 La cour des miracles

Vu du ciel, ça doit ressembler à un cadre blanc, photographie de béton et de vert, style 70’s, un peu décrépit, signes d’activité continus.
4 immeubles délavés qui épousent ce rectangle inégal, où la végétation s’efforce de dominer la grisaille environnante.

Les couleurs chatoyantes de la marmaille ambiante donne vie à l’ensemble.
Ça s’époumone, ça crie, ça pleure. Escaliers réquisitionnés en piste de glisse, les vacances d’été seront ici, dans ces quelques mètres carrés.  Ça braille en français à longueur de journée, intégration réussie pour les uns, nerfs à vifs pour les autres.  Les parents ne pipent mot, fantômes chinois discrets dont seule la communauté detient la clé.

Semaine et week-end,  des vieux en mal d’action palabrent sur les quelques bancs à ragots, à croire que la vie s’arrête à la grille, on écoute passer le temps.
Réminiscences italiennes, on se parle aussi d’une fenêtre à l’autre, du premier au douzième, qu’importe l’intimité tant que le message est passé.

Dès le vendredi soir, les tapis bloquent les portes, c’est chabbat pour la communauté juive, impensable d’utiliser l’interphone. Le jour suivant, la cour est le théâtre d’une répétition chinoise folklorique, parapluies dressés et pas rythmés, on ne n’ennuie pas, vu de ma fenêtre.

Les livreurs s’énervent et perdent patience dans ce dédale de noms étrangers mal indiqués, peu de chance de récupérer son colis ici. La mascotte à 4 pattes, « bouboule » le bouledogue, loin d’aider, semble aussi figé dans le décor, à croire que personne n’en sort. Un tyran parmi tous ces habitants, la vieille folle attenante sans foi ni loi, raciste et aigrie, l’illustration la plus sommaire de la connerie.

C’est aussi ici que j’ai rencontré le parisien le plus sympa de Paris, le Monsieur qui chaque jour nettoie les escaliers, sa bonne humeur matinale ferait sourire le pire des opiniâtres.

Cet ensemble est représentatif du quartier sud de Belleville, surnommée Babelville par les connaisseurs, cette mixité incroyable, fusion de générations d’immigration, d’histoire(s) et de passion.

La tour de babel, la cour des miracles, qui à la fois t’émeut et te gave. Salut les voisins, vous ne serez jamais assez loin…